Life is good !
Bombay, 18h47 heure locale. Toujours le meme petit cybercafe a 20 rupies de l'heure...
Merci beaucoup pour vos messages si choux ! Il y a de quoi faire tomber en pamoison un mammouth des plus resistants.(Ceci s'adresse en particulier a cette tres chere Be, pour qui jai un grand respect, alors meme que je ne la connais pas) Et oui, Eleonore, tu as raison, ca ne servirait a rien pour moi d'avoir les cheveux longs, si je ne me sentais pas bien ainsi. Quant au cote pratique, il n'y a pas mieux que les cheveux pour proteger du soleil...
Apparemment, en Inde, ca n'arrete jamais ! Encore un petit paquet de rencontres aujourd'hui. Encore des fous... mais differents. C'est ca qui doit etre amusant avec les deranges du cerveau : en apparence, ils n'ont rien en commun. Et il faut savoir ou chercher pour decouvrir la faille. Je vous en ferai la demonstration aujourd'hui
Conclusion : seuls les gens a qui un triste destin (ah bon ? triste ? Ils ont l'air de bien s'amuser pourtant...) a siffle une partie X ou Y du cerveau ont l'air de bien vouloir approcher les voyageurs aussi deranges que moi...
Bien dormi au dortoir. Ce matin, reveil tot, genre 7h du matin. Aujourd'hui, je laisse tomber mes sandoufles, etant un blesse du voyage desormais. Mon pied gauche crie par ses deux plaies ouvertes. Ma peau est encore un peu trop douce, trop fragile... mais ca viendra.
J'ai une lubie en tete depuis ce matin. A force de ne comprendre que la moitie de ce que les fous qui m'ont aborde baragouinent en anglais, je me suis enfin decide. Parashuram m'en avait parle, je l'ai fait ! Quoi donc? Mais acheter un bouquin approprie et commencer a apprendre le hindi, bien sur !
Pour ceux qui l'ignorent, je porte cinq objets autour du cou. Un tau fransiscain, croix du Liban, donnee par Jeannine. Un bijou touareg pas tout a fait semblable a celui que porte Clara, mais tres proche. Je l'ai en depot (vous voyez, je serai bien oblige de revenir en France !). Une bague en argent offerte par Celine, et qu'elle a porte cinq ans. Et puis un coeur bleu intense et un collier en bois, tous deux heritages de C., d'un temps evanoui depuis longtemps deja, et que je ne garde que pour ce qu'ils representent maintenant qu'en eux-memes.
Cetains portent leur religion autour du cou. Moi, je porte mes amis. Vous etes ma religion. Et c'est etrange comme la meme chose est ressortie a chaque fois qu'il qa ete question de religion : la reponse qui me venait naturellement a mes levres sonnait ainsi : "I believe in life !" Et c'est la plus pure verite. Je crois en l'humain. Je crois qu'il est crucial d'esperer, de ne jamais baisser les bras. Sinon, toute la beaute du monde n'aura plus d'appui et n'en restera que poussiere.
Parce qu'au fond, le seul but que je voudrais dans la vie, ce que je cherche ici, en Inde, sans le trouver, c'est comment promouvor l'humain en l'homme, sa part la plus belle et la plus difficile a cultiver.
La plus difficile ? Non, pas si difficile que ca, en fait. Mais ici, je n'ai encore rien trouve.
Peut-etre cela a-t-il quelque chose a voir avec un element culturel omnipresent a Bombay, et dont je ne pouvais a aucun prix ne pas parler. Quand je marche, maintenant, c'est devenu une evidence : les banques sont l'ame et le coeur de cette ville. Elles sont partout, de toutes les origines, avec tous les taux. Les gens y ont mis leurs espoirs, leur coeur. Temoin : cette banderole apercue a plusieurs reprises, qui dit : "Happy moments of life are measured in GOLD !" Partout, les banques occupent l'espace, dix fois plus qu'a Paris, avec leurs gardiens, leurs grilles, etc... C'en est a se demander comment les Indiens font pour choisir. Parashuram, par exemple, vend des investissements dans la rue. C'est ainsi, par les commissions qu'il obtient, qu'il gagne sa vie. Tout le monde est plus ou moins lie a la bourse, tout le monde y pense ou en reve.
Oui, ici, tout le monde est obsede par l'argent. Mais pas plus que nous, Europeens, ne sommes obsedes par le bonheur. Car ici, c'est l'argent qui est la valeur primordiale manquante. Et c'est vrai que les habitudes sont bien ancrees en moi. Marchander n'est pas facile. Surtout quand on ne connait pas encore les prix. Mais tu as raison, Noam. La seule solution, c'est de marchander a mort, aussi stupide que l'on se sente.
Revenons a ce matin. Assis devant la 'Porte de l'Inde", comme on l'appelle ici. The Gateway of India. Cette immense porte anglo-indienne que personne ne regarde. On vient admirer la vue. Tout le monde connait l'endroit.
C'en est une, pourtant, de prte d'entree. Tout un symbole : ici se rencontrent les riches occidentaux, les etrangers, mais aussi les riches Indiens, touristes en famille, tout ce petit monde se faisant assaillir de tous cotes par un peuple de pauvres, exhibant pour qui des enfants, pour qui des billets de bateau, des jumelles, du the, des snacks... Deux mondes se croisent ici, sans vraiment se parler.
Etrange porte d'entree. Similaire d'un certain point de vue a Montmartre ou a la Tour Eiffel, sauf qu'ici, la pauvrete se porte sur la face. et puis, en France, ca faisait tellement partie du paysage, que je n'y pensais meme pas. Il est possible qu'avec le temps, cette vision enluminante et aceree que j'ai de tout ce qui passe sous mes yeux s'estompe. C'est pour cela que je note de maniere si acharnee tout ce qui passe sous mes yeux. J'aime vraiment cette periode ou le lieu que l'on decouvre ne s'ouvre pas a la lecture, quand c'est encore pour nous un endroit inconnu, mysterieux, etranger, effrayant. Ce moment s'estompe assez rapidement pour moi. La decouverte va continuer, parce que j'ignore tout de ce pays, mais ce sont des choses plus dissimulees qu'il s'agit pour moi de decouvrir. Et c'est pour cela que je veux parler a des gens de mon niveau...
La verite, c'est que Bombay devient de plus en plus ma ville. Aujourd'hui, j'ai parcouru les quartiers connus et adjacents, me perdant, retrouvant le fil de mon parcours, avec ma carte ridiculement generale. J'ai mis la main sur trois cinemas (dont l'un joue "Paris je t'aime"!), repere le coin des libraires (hier, c'etait celui des joailliers), et mis une heure pour mettre la main sur le bureau d'information des touristes.
Je suis d'ailleurs en mesure de preciser le deroulement futur de mon voyage : voyage en train de deux jours jusqu'en Sikkim, puis, apres quelques jours, obtention en Assam d'un permis pour les etats du Nord-Est. La , je devrais rester dans les grandes villes. Puis, direction le centre du pays, pour finir par le Sud, en passant par le Rajasthan, sans parler de Calcutta et Cie... Tout cela n'est que probabilites.
Errances donc, ce matin. Vers dix heures, je mis la main sur un bouquin pour apprendre le hindi. Un bon prix. Il faut dire que ce matin, alors que j'essayais de me souvenir de la formule qui signifie 'desole', tout ce qui me venait en tete etait "Ref na mora", formule magique tiree de "La Jeune fille de l'eau", qui est une provocation en duel de la Bete. Alors bon, autant essayer. Je me pose donc dans le Harniman Circle ou je commence par aprendre l'alphabet hindi. Un indien pauvre (il cherche comment obtenir quelque chose de moi, je peux le lire sur son visage) sasseoit a cote de moi. Il a du mal a lire et parle un anglais effroyable. Tant qu'a faire, je lui demande un peu d'aide. U petit groupe finit par s'attrouper, Aucun ne parle anglais, signe clair du niveau d'education qui m'entoure. Gros eclats de rire. J'entends "france" deforme dans les discussions, et "hindi". Ca a l'air de beaucoup les faire rire de voir un Europeen essayer d'apprendre leur langue. Je prend un the dans un cafe. Je ne resiste pas et en commande un deuxieme. Il s'agit de the noir tres fort, additionne de sucre et de lait. Je crois que je suis devenu accro. Quant au jus de canna a sucre, c'est tout a fait frais et delicieux, mais il faut le boire dans les cinq minutes. La je sors du cyber cafe, et je goute a la noix de coco, version grosse boule verte dont on coupe le haut a la machette et qu'on boit a la paille.
Petite note culturelle : dans le jardin, les gardiens ont fait plusieurs rondes en sifflant a pleins poumons et en donnant des coups de pieds aux hommes allonges sur l'herbe : en fait, dormir y est interdit. seulement dormir... pour le reste, c'est la liberte .
Je m'eclipse autour de midi. Direction la galerie d'art moderne, gratuite. Deux peintres, un couple, font des oeuvres qui me bouleversent, Ils sont la. Je le leur dit. Il y a une peinture avec deux ex soldats qui dit "After the war". Ils ont des armes et tutes sortes d'objets peints sur leur corps. On retrouve regulierement, dans leurs peintures et dans celles d'un autre peintre le theme du combat pour la survie. Cela rejoint l'omnipresence de l'argent. Ici, on se bat ! Tout le monde, a sa maniere. Combat, combat, combat !
Je ne suis pas entraine pour ca. C'est l'une des grandes differences avec l'atmosphere en Europe. Tout le monde trouve cela normal. Relax ! C'est le mot d'ordre ici. De toute facon, si tu ne le fais pas, tu vas te casser la gueule dans des rues qui ressemblent plus a des escaliers irreguliers et imprevus qu'a un trottoir. Petite precision, au passage : il semble cool, c'est a dire de regle ici, d'eviter le trottoir autant que possible pour les pietons. On traverse n'importe ou. Tout le monde claxonne, ne serait-ce que pour prouver qu'il est bien la ! Eh oui ! Qui en douterait !? La circulation est folle. aux carrefours, il ya le decompte des secondes qui restent avant le pasage au vert. C'est a qui s'elancera au premier. Et vous pouvez etre sur que ca va klaxonner ferme derriere, meme si les premiers partent comme des bolides. Quand on entend chauffer les moteurs, mieux vaut s'ecarter !
En haut de la galerie, une salle sur le toit. Le gardien discute avec tous les etrangers qui veulent bien et saute toutes les filles qui n'ont rien contre (etrangeres, bien sur. Elles sont plus cool). Il semble que le sexe soit un des sujets favoris dans le coin, chez les fous et les pauvres. Ce qui, je l'avoue, n'est point de mon gout.
Nous discutons deux heures. Il me propose de dejeuner avec lui. Sa petite amie apporte le dejeuner. Ils se disputent, c'est pas croyable ! Je n'y comprend rien. J'ai l'impression qu'on me prend legerement pour un imbecile. Le gardien a tout l'air d'etre un macho de la pire espece ( y en a-t-il qui ne le soient pas ou qui ne pretendent pas l'etre ici ?). Il fait la sourde oreille et la jeune fille lui jette des regards a faire exploser la connerie sur place. :ais l'esence de la connerie c'est qu'elle soit intelligente. Alors, le macho me fait des clins d'oeil. Je suppose qu'il me sauterait a la gorge s'il me lisait... Curieuse experience. Je comprendrai peut-etre un jour ce qui s'est passe. En tout cas, c'etait bon ! Je reviendrai peut-etre.
Raison de plus pour apprendre le hindi. Je leve le camp et reviens me poser dans le Harniman Circle. Puis, je pars en vadrouille a la recherche du Cinema au beau nom de "Inox" A prononcer Aie-noqss... Mais le prix des billets est enorme ! Plus que ma nuit d'hotel ! C'est un veritable multiplex moderne !
Ces deux derniers jours, j'ai enfin reussi a redresser mes finances : je tourne a un peu moins de 10 euros par jour.
Sur ce, mes amis, je vous souhaite une excellente journee, et a bientot. Courage a ceux qui passent Ulm ! Chaque chose a un sens la ou elle a lieu...
Je vais de mieux en mieux !
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