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dgrverrances
1 octobre 2007

The Sixth Sens

J'ai acheté tous les films de M. Night Shyamalan. Une intuition. Lady in the Water est mon film préféré. Celui qui représente l'achèvement de mes rêves. La beauté, l'émotion, le fantastique, le conte, le réel. Le tout condensé en une histoire intelligente, supporté par une musique que je trimbale partout avec moi, en moi, la photographie géniale de Christopher Doyle, chef opérateur de 2046 également, des acteurs qui jouent vraiment, peut-être parce que les personnages sont forts. Et la beauté, au fond, cette immense beauté qu'il y a au fond de l'homme, du monde qui nous entoure, et qu'apparemment nous ne voyons presque jamais que sur la toile de fond du malheur. Cette beauté des choses, moi-même je la perd tous les jours, et bien qu'elle soit pour moi le secret de la vie, j'erre dans le labyrinthe des ombres et oublie qu'il suffit de lever la tête pour retrouver le soleil. Ce bonheur, cette vision si puissante du monde que l'avoir en face, ne serait-ce que quelques secondes, éblouit le coeur et me fait pleurer à en mourir, ce bonheur que je ne maîtrise ni ne connait, est pourtant ce qui me fascine, m'attire, me pousse et m'aide à faire tous mes choix dans ma vie. Je crois bien qu'il est ma seul mesure de jugement, la seule aune que j'accepte. Et sur le chemin qui mène à cette beauté, je ne connais personne qui soit allé bien loin. D'où la sévérité de mon jugement. D'où le fait que, si je cherche à montrer cette beauté, je serai impitoyable en ce qui concerne le moindre petit détail de ce que je ferai. Je pense à la création d'un film... C'est cette puissance extraordinaire que ce bonheur retient en lui à l'état pur qui le rend insupportable pour nous, je suppose. Insupportable et invisible. On ne le voit qu'à travers les filtres de nos habitudes et de notre quotidien. Il nous échappe. On n'arrive pas à connecter tout ce qu'il relie. On chasse la matérialité de petits plaisirs. Un prof de littérature que j'ai connu (Pasquier pour les conaisseurs. Son nom s'écrit bien comme ça ?) ne cessait de parlait de masturbation intellectuelle à propos de nombre d'auteurs qui croyaient avoir atteint le sommet de l'art, le secret du monde. A sa manière, il avait vu juste. Nous sentons, notre intuition sait. Jamais précisément. Le bonheur dont je parle est "alien", au sens d'absolument et inimaginablement autre, tellement différent qu'on n'identifie rien en lui. Quand je parle de beauté, il ne s'agit pas de quelque chose que l'on peut posséder, toucher ou maîtriser. On peut simplement la voir. La voir, en créer ou la détruire. Détruire une partie d'elle. C'est ce qu'on fait tous les jours. Notre vie est un jeu, un immense jeu, très sérieux, très important, extraordinairement complexe dans sa minutie matérielle. Nous jouons à être humains. Nous jouons des rôles, des personnages qui sont solides comme le roc ou vacillants comme la flamme d'une bougie. Nous prenons la vie au sérieux. Notre vie, celle des autres, ce qui nous entoure. C'est ce qui nous rend capables de faire face à la réalité, d'agir sur elle. Ce qui se passe dans notre tête, ce que des millions d'années d'évolution on fait de nous, ce que des milliers d'années de culture ont fait de nous. La preuve que, dans l'immense majorité des cas, l'adhésion aux codes, valeurs et vérités de la société humaine c'est la stratégie du succès, c'est qu'un excès d'intelligence amène dans la plupart des cas à une inadaptation au monde réel. Pourquoi ? Peut-être parce que ce monde supposé "réel" n'est pas si réel après tout, mais l'immense hallucination collective à laquelle nous prenons tous part. Pas une hallucination au sens propre, pas quelque chose de palapable. Parler d'hallucination est une manière de décrire ce processus d'identification à une perception du monde, pas seulement en terme de valeurs, de connaissances, mais surtout en terme d'adhésion intérieurse, inconsciente, essentielle, à ce monde. Ne pas le refuser. Ne pas se poser trop de questions. Agir. Faire. Interagir. Créer. Détruire. Y entrer et en devenir partie prenante. Ceux qui ont le malheur de ne pas adhérer à cette halucination, de ne pas y parvenir quoi qu'ils fassent et malgré tous leurs efforts, ne peuvent s'empêcher, souvent, de vivre en fonction de critères autres que ceux qui fondent la société humaine. Il y a ceux qui s'enferment dans leur monde, vivant selon des valeurs propres qui ne correspondent pas à celles qui font marcher la société qu'ils ignorent. Et puis il y a ceux qui comprennent trop bien cette hallucination collective, qui en ont parfaitement conscience. C'est pour eux que c'est réellement dur. Il se trouve que je suis entre les deux. Ou du moins, je me suis mis en tête que je l'étais. J'adhère au monde où je vis. Dans l'idée. Je ne cherche ni à le modifier, ni à le détruire. J'interagis. Et d'un autre côté, je ne vois pas directement cette beauté dont je parle, et je ne vois que très rarement le monde DIFFEREMMENT, de cette manière si totalement autre que les valeurs, toutes les valeurs tombent à l'eau. Et le fait de le voir ne fais pas de moi un cynique total et absolu. Alors que c'est la réaction la plus logique. Le plus gros problème, c'est qu'il n'y a pas de guide du Routard de l'absolu. Je suis dans le noir.. Je me ressens entre le monde humain et l'absolu. Je suis attaché au premier mais je ne peux oublier le deuxième. Si les enfants inadaptés ne réussissent pas dans ce monde, peut-être est-ce parce qu'ils ne le prennent pas au sérieux, parce qu'ils n'y adhèrent pas. Est-ce une bonne chose d'adhérer ? Un mauvaise ? Quel est le résultat final de tout ça, cette petite humanité qui se débat à l'intérieur de sa vision du monde, dans le grand dehors parfois, pour certains ? Elle est comme enfermée dans cette bulle de ce qu'elle accepte et adopte, refuse et condamne. Mais cette bulle, elle la fait avancer. Elle résiste et s'adapte. Elle a une identité forte et une force vive, la solidité et le mouvement. L'Histoire se fait. Nous nous battons pour la survie. Ce que je fais y changera-t-il quelque chose ? Et si oui, vu la complexité du monde, cela ne risque-t-il pas d'être en mal ? D'un côté je me dis que mes ambitions démentes sont ridicules, fausses et prétentieusement stupides, que je n'ai aucune chance de réussir et que c'est infaisable, de l'autre je me dis que je ne dois pas essayer d'influer sur qui que ce soit et surtout pas chercher à partager cette vision que j'ai, vision au sens littéral de ce qui vous cloue sur place de beauté, du monde et de nous. N'oublie-je pas le plus souvent ce que j'ai vu, dès que je ne l'ai plus devant moi, dans toute sa puissance destructrice. Je songe à Sunshine, de Danny Boyle, film où ressort cette fascination mortifère pour la beauté absolue du soleil, sa toute puissance qui ne peut être appréhendée que par le regard "pur". Un regard dénué de tout à priori, de toute valeur de jugement, de toute connaissance. Un regard sans identité. Et sentant cette absolue beauté du soleil, mais incapables d'y pénétrer, certains deviennent fous. Désespérément et tragiquement fous. Une folie qui brise et mène à la mort, parce que nous voyons en tant qu'humains. C'est ce qui nous protège. Je ne suis pas un illuminé, pas au sens de fou. Je suis allé en Inde. J'ai fait dix jours de méditation. J'ai parlé aux gens qui ont fait ce que j'ai fait en même temps. J'ai essayé de faire ce qu'on demandait de moi, ce qu'on me proposait. Je n'ai pas réussi, mais je suis parvenu au moins à la certitude que ma vision était réelle, qu'il était possible d'atteindre l'état où l'homme peut regarder en face l'absolu, l'appréhender dans sa totalité et devenir son égal, ou du moins accepter ce qu'il est, en tant qu'individu, en tant qu'espèce, en tant que monde. Je crois même avoir trouvé la méthode qui pave ce chemin. Personnelement, j'estime que je n'y parviendrai jamais. J'aime trop le chocolat, les images, la matérialité du monde. Mais puisque ma vision est réelle, je peux en faire quelque chose. Je peux combiner cette double vision que j'ai. M. Night Shyamalan utilise la peur pour montrer, faire ressentir cette beauté que je veux percer à jour, rendre réelle. La quadrilogie des Alien incarne ce qui représente la terreur absolue pour nous, une bête aussi intelligent que nous, mais sans coeur, sans morale, sans illusion ni sentiment, et qui détruit impitoyablement tout ce qui met sur son chemin. Comme le soleil dans Sunshine, cet absolu exerce une fascination mortifère sur l'homme. Il représente un rêve et un cauchemar. Tout ce qui nous sépare de l'alien, c'est cette légère hésitation lorsqu'il s'agit de détruire. Je ne dis pas que nous ne faisons pas autant de mal qu'un alien ou que nous ne sommes pas potentiellement plus destructeurs. Mais nous hésitons. Le monde fait partie de nos calculations. Parce que nous avons une identité, parce que nous vivons en plein dans l'évidence du "je" unique, nous savons que nous tenons à nous-mêmes, et, inévitablement, un jour ou l'autre vient l'idée que la personne d'à côté mérite peut-être une partie de l'importance que nous nous accordons. Puis, comme cela se passe en ce moment, nous réalisons que le monde, notre planète, n'est plus ce qu'il était. Ce n'est plus un territoire inconnu plein de dangers, plus ouvertement, mais une chose menacée, qui mérite que nous lui accordions une petite importance. Ne serait-ce que parce que nous en dépendons. La vérité c'est que chaque chose a de l'importance, ou encore, formulé autrement, que rien n'en a. Parfois, dans certaines situations, nous découvrons comment ce processus d'hallucination fonctionne. La crise de la quarantaine par exemple peut ouvrir une porte, et les choses qui étaient cruciales pour nous ne nous semblent plus rien. Mais c'est juste qu'on découvre qu'autre chose est important, quelque chose dont on se rend compte que la perte nous terrifie. On détruit, inévitablement. Soi ou les autres. L'amour est une autre sélection. Quand on aime, il se peut qu'on accorde une importance essentielle à quelqu'un, puis qu'une fois hors d'amour, nous rejetions cette importance et ce par quoi on la justifiait à nos yeux. Je veux la liberté. Mais pas une liberté forcée, que nous ne pourrions maîtriser. La vision de l'absolu tue. Elle est une mort quasi certaine à qui la fixe trop longtemps. Elle ne peut être appréhendée que par un très long chemin. Pour la voir, il faut faire tout le chemin qui mène à voir que nous ne sommes rien. Rien de ce que nous croyons être. Il faut se rendre aussi absolu que l'absolu qu'on veut voir. Il faut devenir ce qu'on veut voir, aller contre tout ce qui nous programme. Autrement, on écoute les mots qui parlent de l'absolu, mais on n'appréhende en rien ce qu'est réellement, concrètement, cet absolu. Si on l'appréhendait, le choc serait titanesque, impitoyable, d'une violence inimaginable. Ce que je veux, c'est un moyen de faire ressentir l'absolu, dans sa beauté et dans l'espoir qu'il m'apporte, dans l'espoir que je crois qu'il représente pour nous. Et si je ne désespère pas, c'est parce que je vois une porte de sortie, et rien que cela est un miracle à mes yeux. Je terminerai sur le récit d'une rencontre à Delhi. J'étais avec celle qui m'aime. Le premier ou le deuxième jour de son arrivée. Nous mangions dans un petit restaurant quand un homme noir, peut-être dans sa quarantaine, est arrivé. Il était avec une femme blanche. Son bâton a retenu mon attention. Ses yeux aussi. Je lui ai adressé la parole. La discussion s'est engagée. Il a fallu que je le convainque que je voulais lui parler pour de bonnes raisons. C'est le premier homme que je rencontre de toute ma vie, qui voit un peu plus loin que le réel. Pas très loin, et je reste sceptique, mais un peu tout de même. A un moment, il m'a demandé s'il y avait une voix qui me parlait. J'ai réfléchi et j'ai répondu que je ne saivais pas. Alors il m'a reposé la question. La deuxième fois j'ai répondu oui. Parce que c'est le cas. J'ai une Vision, quelque chose d'énorme qui me mène. Je vois un sens. Un sens que mon intelligence a accepté depuis que j'ai fait ces dix jours de méditation. Je ne suis pas un idiot. Je doute et j'ai toujours douté de tout. Je remets tout en question autant que je suis naif et que je suis capable de tout accepter. Quand j'ai dit à ce noir qu'il y avait bien une voix qui me parlait, c'était un symbole, une représentation. Je vois plus. Je sens plus. Et je viens, il n'y a pas si longtemps, de trouver quoi en faire. Voilà, c'est fini pour cette nuit. J'ignore si ceci intéressera quiconque, mais si c'est le cas, j'ai une requète. J'aimerais que vous me disiez si vous avez quelque chose qui vous mène, même si vous ignorez encore quoi. Au fond de soi, on le sait. Et une deuxième question que j'ai, la plus importante : vous arrive-t-il de voir tout notre petit monde humain de l'extérieur, d'un point de vue réellement différent dans l'absolu ? Autrement dit, ce dont je parle vous parle-t-il ? Merci.
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Commentaires
D
Merci à vous deux.<br /> <br /> Oui, La Jeune fille de l'eau a été pour moi une révélation que je n'attendais pas. Elle est ce que je veux faire. La beauté, la poésie,...
Q
Depuis que j'ai vu Incassable, film conspué par toutes la critique tout comme son film suivant Signes, je suis devenu un ardent défenseur de "Night".<br /> Le destin de la Jeune Fille de l'Eau (rejeté par les premiers producteurs - Razzie Awards) prouve à quel point la merde fréquente les yeux du plus grand nombre.<br /> Content de voir que je ne suis pas le seul à admirer ce film étrange et passionnant sur la création.
A
Q1 : Quelque chose me mène.<br /> Q2 : Je vois souvent le monde comme si j'étais extérieure à la planète et les êtres humains me font toujours peur : petits, pleins de plis, fragiles, avec de petits os et des extremités fines et agitées, nombreux, grouillants, infatigables, oublieux des catastrophes et toujours prêts le lendemain, comme d'industrieux petits sisyphes, a recommencer leur journée de la veille comme si tout cela avait un sens.<br /> Bonus : Je ne perçois pas l'absolu comme toi, peut-être une question d'âge, mais je conçois de plus en plus l'art comme le moyen de résister à la corrosion du temps et à l'inutile de la vie humaine.<br /> Ce que tu dis de l'adhésion aux codes est intéressant... C'est un problème... Adhérer aux codes est un moyen, comme un couteau pour manger un steak (ou une friteuse pour faire des frites, tu es peut-être devenu végétarien). On peut faire autrement, mais ce n'est guère commode. Mais on peut aussi envoyer tout valser, comme les ermites, qui vivent dans leur monde, en liberté. Mais il faut être prêt à en assumer jusqu'au bout les conséquences.
dgrverrances
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